Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
HALIFAX GROUPES LOURDS FRANCAIS SQUADRONS 346 et 347 R.A.F
HALIFAX GROUPES LOURDS FRANCAIS SQUADRONS 346 et 347 R.A.F
Publicité
HALIFAX GROUPES LOURDS FRANCAIS SQUADRONS 346 et 347 R.A.F
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 872 029
22 août 2010

RECIT DU SERGENT-CHEF PAUL GAZEL

RECIT DU SERGENT-CHEF

PAUL GAZEL

MITRAILLEUR-SUPERIEUR

DE L'EQUIPAGE

DU LIEUTENANT TROUETTE

img279

Le sergent-chef Paul GAZEL en tenue de vol.

De la bataille de Normandie à la campagne d'Allemagne, les aviateurs français du groupe 2/23 GUYENNE "Squadron 346" et du 1/25 TUNISIE "Squadron 347" ont été engagés dans l'une des plus grandes batailles de l'histoire.

Mais, avant de participer à la victoire des alliés, la patience de tous les aviateurs français avait été mise à dure épreuve. Ils ont du subir un long et minutieux entraînement avec des mois d'instruction et d'attente, des méthodes de travail rigoureuses, spécifiques à l'aviation britannique, où à chaque spécialité correspondait un entraînement individuel.

Ensuite, seulement, étaient constitués les équipages. Dans chacun, sept hommes qui, au départ, possédaient des caractères et des réactions différentes, et qui, très vite, grâce à l'entraînement spécial du "Crew cooperation" - coopération de l'équipe - sont devenus les rouages essentiels d'une machine parfaite. Dans la "Royal Air Force" - R.A.F. - l'idée forte est qu'un équipage n'est pas jugé à la valeur d'un des membres mais à la manière dont les membres travaillent en commun. D'ailleurs toutes les spécialités sont également considérées sur un pied d'égalités car elles sont toutes indispensables au succès d'une mission de guerre.

Si pour l'armée de l'air française, le groupe des aviateurs français constitue à cette époque une cellule assez considérable, une fois incorporé dans l'immense machine qu'est la R.A.F., il n'est plus qu'un petit élément de l'énorme armée allié constituée pour anéantir le Reich Hitlérien.

Préparer le débarquement.

Débarqué en Grande-Bretagne le 9 septembre 1943, le groupe Guyenne entre en action le Ier Juin 1944 sous le nom  de "346 Squadron". Le groupe est commandé par le Colonel Venot. Il est secondé pour la 3ème escadrille par le Commandant Simon, et, pour la 4ème escadrille le Commandant Marias. Le débarquement est alors imminent. Les attaques contre l'Allemagne sont momentanément abandonnées pour consacrer toute la puissance alliée à préparer et appuyer l'assaut des forces d'invasion. Une épreuve de plus pour Guyenne dont les premiers objectifs sont situés en terre française. Entre le 1er juin et le 15 septembre, trente quatre missions sont ainsi exécutées contre les territoires occupés. Même si deux équipages sont perdus au cours de cette période, au dire du Commandement britannique, les Français sont particulièrement chanceux. Toutefois, le 10 septembre 1944, le Colonel Venot est victime d'un accident au retour d'une mission.

img961

Photo de l'accident du Colonel Venot, prise d'avion par un des pilotes du Guyenne, juste après l'explosion.

(collection: Alain Venot)

Une bombe restée dans les soutes éclate à l'atterrissage et cause la mort de six membres de l'équipage. Très sérieusement brûlé, le Colonel est obligé d'abandonner le Commandement du Groupe au Commandant Puget. Celui-ci restera à ce poste jusqu'à la fin des hostilités. Les opérations contre les centres vitaux de l'industrie allemande reprennent à partir du 15 septembre et redeviennent l'objet principal de l'activité de la Royal Air Force. En six mois, les Français effectuent, sur l'Allemagne, quatre vingt quatre opérations soit une moyenne d'une opération tous les deux jours. Les pertes sont lourds. Le groupe perd 44% des effectifs initialement engagés. Ainsi, le Commandant Simon, chef de la 3ème escadrille disparaît fin octobre. Il est remplacé par le Capitaine Thiry, jusqu'au mois de mars 1945, puis par le Capitaine Gopfert, jusqu'au jour de la victoire.

Malgré cette pénible période de six mois, grâce à la précision du travail de ses équipages, le groupe Guyenne acquiert au classement des treize groupes, du Groupement auquel il appartient, un magnifique palmarès: trois fois de suite premier, puis second. A plusieurs reprises, de chaleureuses félicitations lui sont accordées par le Commandemant Britannique. De plus, il obtient une nouvelle citation à l'Ordre de l'Armée:

"L'Unité d'élite de bombardement lourd appelée, la première, à représenter la France dans l'effort du Bomber Command sous le Commandement du Colonel Venot puis du Commandant Puget, a pris part avec le plus grand succès, tant aux opérations qui ont préparé et appuyé l'ouverture du second front qu'aux raids en territoire ennemi, effectuant en moins de cinq mois plus de 2000 heures de vol de guerre en 600 sorties d'opérations, dont 200 sur les objectifs lointains et puissamment défendus de l'Allemagne, lançant 2400 tonnes de bombes, malgré les pertes subies, continue à combattre avec la même ardente volonté".

img280

Troisième en partant de la gauche Paul GAZEL.

J'ai donc rejoint le Groupe Guyenne, le 6 juin 1944, à Elvington. J'ai fait mes cinq premières missions comme remplaçant de mitrailleurs malades. A la sixième mission j'ai fini par intégrer mon équipage définitif. Après trois missions de nuit et cinq missions de jour, j'ai obtenu ma première citation comportant l'attribution de la Croix de Guerre avec étoile de bronze:

"Le sergent Gazel Paul, mitrailleur-supérieur, jeune officier plein de bonne volonté et d'allant, au cours du mois d'août 1944, a effectué de nombreuses missions de bombardement sur les bases de départ d'avions sans pilote, sur un port de la Baltique - Kiel - et des usines de carburant synthétique en Allemagne. En particulier, le 18 août, sur un objectif lointain, particulièrement défendu par la D.C.A., il a permis de nuit, par sa vigilance, d'éviter deux attaques de chasseurs".

Les missions de bombardement ont été interrompues du 25 septembre au 4 octobre, pour que les Halifax soient transformés en avions cargos afin de transporter des bidons d'essence à Bruxelles, pour alimenter l'Armée du Maréchal Montgomery à bout de carburant.

Mais, à la reprise des opérations, les pertes seront très importantes. Une attaque meurtrière contre Scholven dans la Ruhr début novembre restera pour tous de sinistre mémoire. Cinq des seize avions Halifax engagés par le "346 Squadron" ne sont pas revenus à la base. Leurs dispersals sont demeurés vides et les mécaniciens ont attendu vainement jusqu'à l'aube. Sur Bochum, un mois plus tard, la mission est à nouveau pénible et meurtrière. Sur 703 appareils engagés, 27 ont été officiellement portés manquants. Au dessus de l'objectif, la D.C.A. allemande a été particulièrement précise, tout comme les chasseurs J.U.88 et F.W.190 Au total, quatre des nôtres ont été descendus par les chasseurs et un par les canons de la D.C.A.. Une fois libérés à la fin de la guerre, des survivants sont venus nous en parler.

Malgré la stupeur des pertes, le chagrin au fond du coeur, les missions se multiplient sans relâche. Elles se concentrent principalement sur la Ruhr. Le 21 novembre 1944, l'attaque de nuit sur Sterkrade-Holten implique 245 Halifax et dure 7 heures. Le 29 novembre, sur Essen, 293 Halifax participent à l'opération. Le 30 novembre mission de plus de 6 heures sur Duisburg, 2 décembre, mission sur Hagen d'une durée de 6h45, le 16 décembre, mission sur Julich, 5 heures de vol, le 18 décembre mission de nuit sur Duisburg, d'une durée de 6h45. Les attaques se poursuivent  de nuit sur Francfort, le 6 janvier 1945 - 6h40, le 14 janvier sur Dulman, 7h15 de nuit, le 22 janvier sur Gelsenkerchen - 6 heures de nuit, le 28 janvier sur Suttgart - 6h15 de nuit, le 13 février mission de plus de 8 heures sur Bohlen-Leipzic et le 17 février mission sur Wessel - 5h05.

img282

Equipage du Lieutenant TROUETTE

Ma deuxième citation date du 10 mars 1945. Elle comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec Etoile Vermeil pour tout l'équipage: les Lieutenant TROUETTE (Pilote, Commandant d'avion), Le GOUIC (Navigateur), DASPET (Bombardier); les Sergents-chefs CHEVALIER (Mécanicien), FANTON (Radio); et les Sergents BERTRAND (Mitrailleur-arrière) et GAZEL (Mitrailleur-supérieur). Le message express n°260/IGBFAF/3 précise.

"Equipage d'une maitrise absolue qui vient d'effectuer avec un plein succès de dures missions de bombardement des objectifs puissamment défendus de la région rhénane. En particulier le 18 octobre 1944, malgré une D.C.A. intense et de nombreux éclats reçu dans l'avion, a mené à bien toute la mission et obtenu des résultats de bombardement particulièrement bons. Cette citation comporte l'attribution de la Croix de guerre avec étoile de vermeil.

Signé du Commandant Puget, Commandant le Squadron n°346-".

Présence française en Angleterre

A neuf kilomètres de la ville de York, "Elvington Station" était une des cinq cent bases aériennes de la Royal Air Force durant la seconde guerre. Si les deux groupes Guyenne et Tunisie, équipés de 32 quadrimoteurs Halifax, dépendaient du "Bomber Command" britannique, leur base était uniquement française. Les 2500 militaires - dont 500 navigants - qui s'y trouvaient, étaient d'ailleurs commandés par un officier supérieur français.

Les anciens s'en souviennent, tous les hommes de ces unités, venues d'Afrique du Nord en 1943, formaient une équipe formidable faite d'une seule volonté, d'un seul corps, d'un seul courage. Car, sans distinction, tous les membres des équipages, les mécaniciens, les armuriers et tous les hommes des Services Généraux étaient indispensables au succès de la mission. Aucun des anciens n'oublie d'ailleurs ceux qui au sol ont fait le sacrifice de leur vie pour sauver un équipage d'un avion accidenté; où ceux qui jour et nuit imperturbablement, dans le rude climat du Yorkshire, ont mis tout en oeuvre pour que chaque mission soit réussie avec les meilleures garanties d'efficacité et de sécurité.

Jeunes gens, pères de famille ou étudiants, ces hommes efficaces et dévoués, venaient de partout et reflétaient le visages de la France. Ainsi, un vieux pilote d'Air France, dès les premiers jours, était passé par l'Espagne, puis l'Afrique du Nord pour rejoindre l'Angleterre afin de continuer le combat et libérer la Patrie, auquel il ne faisait que penser. Et, lorsque la France fut libéré, la guerre continua encore pour eux, avec d'interminables missions de nuit qui, sur l'Allemagne, se faisaient plus longues et plus difficiles.

Pour ces dernières semaines de combats décisifs, j'ai reçu une nouvelle citation avec l'attribution de la Croix de Guerre avec Palme de Bronze. "Sur proposition du Ministère de l'Air, le Général de Gaulle, Président du Gouvernement provisoire de la République française, Chef des Armées, cite à l'ordre de l'Armée Aérienne, le sergent Gazel Paul du Groupement 2/23 Guyenne, sous-officier mitrailleur supérieur, qui vient d'effectuer une nouvelle série de missions de bombardement de jour et de nuit sur des objectifs de la Ruhr et de l'Allemagne Occidentale puissamment défendue par la D.C.A. lourde et la chasse de nuit, consciencieux et compétent n'a pas cessé d'apporter une aide efficace à son équipage, par la veille vigilante qu'il effectua au cours de ses missions. A notamment pris part le 30 novembre, le 18 décembre 1944 et le 22 janvier 1945 à un raid lointain sur un centre industriel important de la Saxe et sur les arrières ennemies du front de l'Est.

Signé: De Gaulle (A Paris, le 20 août 1945).

Dernières opérations

Avec le début de l'année 1945, à l'Est, les armées du Reich sont refoulées par l'Armée Rouge, à l'intérieur de leur territoire. Pour le "Bomber Command" et ses puissantes escadres, commence alors la phase des grands raids, de 8 à 9 heures, pour porter l'offensive générale au coeur de l'Allemagne.

Le groupe Guyenne participe ainsi à pas moins de sept grandes attaques. Pour commencer, Ludwigshafen est visé le 2 janvier par 366 bombardiers. Le 5 janvier, 386 avions attaquent Hanovre; 25 ne rentrent pas. Le 6 janvier, attaque de 418 appareils sur Hagen-Francfort. Le 13 janvier c'est au tour de Sanchuch avec 264 appareils. Le lendemain, ils sont 164 Halifax sur Dulmen dans la région de Munster. Le 16 janvier dix-sept avions sont perdus dans une attaque contre Magdebourg. Et, le 28 janvier, 186 avions attaquent Suttgart.

En plus de ces attaques longues et difficiles, le groupe Guyenne participa à un bombardement spectaculaire contre la ville presque vierge de Gelsenkirchen. Le raid provoqua dans la ville un incendie qui dura plusieurs jours. Mais, les Halifax ont payé cher cette réussite car dix-sept appareils ont été portés manquant; ce qui représenta près de 5% de pertes.

Bien loin de l'Angleterre, c'est contre Leipzic-Bohlen que s'est déroulée mon avant dernière mission de bombardement. Une ville qui est située sur le 12° degré Est, à ce moment là aux limites du front de l'Est. Nous étions sur les lignes de l'Armée Soviétique. Au cours du briefing précédent la mission, nous avions reçu des pancartes avec l'inscription "I'am bristish". Avec en plus, ce qui n'était pas fait pour nous rassurer la recommandation de nous les suspendres bien en évidence autour du cou si nous tombions entre les mains des russes.

Ce n'est enfin qu'à l'issue de ma dernière mission, sur Wessel, que je pouvais recommencer à prendre goût à la vie et à faire le bilan de cette guerre.

Du mois de juin 1944 au mois d'avril 1945 nous avons vécu onze mois d'opérations, 123 missions, 2467 sorties d'avions, 9438 tonnes de bombes lancées, 15077 heures de vols-guerre, dont les deuxtiers de nuit. Nous avons également perdu 37 équipages, soit 176 aviateurs tués ou disparus en mission de guerre.

C'est au souvenir de ces derniers que nous les vivants, nous devons rester fidèles.

Sergent-Chef Paul GAZEL

Porte-drapeau à l'ANSORAA des Bouches-du-Rhône

et membre du CAPIR Aix-Marseilles.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité