Le Général Marcel VIGOUROUX (1927)
Grand Officier de la Légion d'Honneur
(collection: Roger BOURGEOIS)
Elvington, le commandant Marcel VIGOUROUX, Cdt le Squadron 347, 1/25 Tunisie.
Nous nous réjouissons aujourd'hui de la promotion au grade de Grand Officier de la Légion d'honneur de notre Camarade VIGOUROUX, Général de Brigade Aérienne, qui nous donne l'occasion de mettre sous les yeux de tous, et des jeunes en particulier, la façon dont le caractère, lorsqu'il est joint par ailleurs aux dons de l'intelligence, arrive à forcer le destin alors même que celui-ci, à l'abord, se montrait avare de promesses, et de retracer sommairement sa carrière aussi brillante qu'elle était, à l'origine, imprévue.
C'est à Saint-Selve, en Gironde, non loin du château de la Brède où erre encore l'esprit de Montesquieu, que naît Marcel VIGOUROUX en 1904. Le village a 500 habitants, le père est boulanger, de trois fils, l'ainé vient de mourir, il reste deux garçons, Marcel est le plus jeune. Tous deux, en principe, sont de futurs boulangers. En attendant ils sont mis pensionnaires au Lycée de Bordeaux. Mais la guerre éclate, le père est mobilisé. Grâce à une bourse Marcel rejoint le Lycée.
La guerre terminée, le père rentré, c'est la boulangerie qui réclame des bras; cependant, sa mère l'espère, Marcel pourra-t-il peut-être devenir pâtissier ou chef cuisinier.
C'est alors que se produit l'évènement: le Professeur BERGONIE, gloire de la Faculté de Bordeaux, qui s'est intéressé à la famille en soignant la mère, a compris que la valeur du jeune Marcel lui permettait de plus vastes perspectives. Il intervient avec autorité et désigne l'objectif: le garçon restera au Lycée où il réussira à tous les concours de bourse, il entrera à l'Ecole Centrale.
Programme exécuté sans défaillance quoique l'intéressé même n'en saisisse pas toutes les conséquences, paraît-il. A partir de 1924 ce sont les trois années d'Ecole, très faciles au point de vue des études, un certificat de Licence de Technique Aéronautique est même cueilli par surcroît, mais très dures quant aux conditions matérielles de l'existence, sans même que ce garçon "qui à vingt ans ne peut gagner sa vie" puisse compter chez les siens sur un appui moral compréhensif.
En 1927, à la sortie de l'Ecole nouvel événement ; volontaire pour l'aviation, Marcel VIGOUROUX obtenait une bourse de pilotage, toujours indispensable et d'un coup découvrait sa vocation, toujours indispensable et d'un coup découvrait sa vocation. Sur le conseil du Commandant de VAUCELLE, Instructeur militaire à l'Ecole, il contractait, pour être Sous-Lieutenant d'Active, un engagement qui le faisait militaire pour trois années. Il devait le demeurer vingt-deux et devenir Général à quarante trois ans.
Cette carrière fulgurante est influencée, semble-t-il, par une singulière dualité de tendances: chez l'Officier, par l'attrait de l'action immédiate, chez ses supérieurs par le souci d'utiliser pleinement des qualités éminentes d'organisateur et de technicien. C'est ainsi que le Général MICHAUT, ayant insisté pour qu'il entre à l'Ecole Supérieure d'Aéronautique; VIGOUROUX en sort après deux ans avec un nouveau diplôme d'Ingénieur et est affecté à un poste technique; mais, volontaire pour l'A.O.F., c'est surtout à l'escadrille, alors lointaine de Gao que le Capitaine VIGOUROUX commence à donner sa mesure, survolant en tous sens l'A.O.F., le Congo belge, Madagascar, tout en construisant des adductions d'eau et des ateliers de réparation, car, en reprenant les termes d'une lettre de félicitation, chez le jeune officier titulaire déjà d'une belle citation: "La gaieté, l'enthousiasme et l'esprit aéronautique" sont joints à "une solide information militaire, technique et administrative".
Nous sommes en 1937, VIGOUROUX considère sa carrière militaire comme terminée. Pour retenir un officier de cette valeur, il faut le tenter. Comment? En lui permettant d'aller comme pilote d'essai à Villacoublay où il vole de jour et de nuit. En 1939, il est chargé des essais du Léo 45 et du Potez 63. Et puis, c'est la guerre.
Passé Commandant, il va au levant former de nouveaux groupes et en Égypte pour recevoir des avions américains. Mais vient l'Armistice. En 1941, VIGOUROUX prend le commandement d'un groupe en Tunisie et lors du débarquement des Alliés, en 1942, son groupe complètement préparé est mis hors d'atteinte de l'ennemi et il coopère à une campagne avec le Tactical Air Command britannique. En 1942, il passe en Angleterre avec son groupe qui devient le Squadron 347 du Bomber Command britannique pour la dure et meurtrière campagne de bombardement sur l'Allemagne.
Le Commandant VIGOUROUX pilote toujours... et s'en tire. Il a maintenant 6 citations et la Distinguished Flying Cross, passe Lieutenant-Colonel et est promu Officier de la Légion d'honneur. La guerre finie, le Colonel VIGOUROUX installera le Centre d'Essais en Vol de Brétigny. D'autres réorganisations s'imposent et il prend le commandement du Service du Matériel de l'Armée de l'Air. Enfin le 25 août 1947, à quarante trois ans, vingt ans après sa sortie de l'Ecole Centrale, il est nommé Général de Brigade Aérienne.
Sur le point de prendre du service dans une carrière civile, on le tente à nouveau en lui offrant le commandement de l'Air à Dakar dans cette Afrique Occidentale de ses débuts que, pleins de souvenirs de jeunesse, il va encore survoler en tous sens. Il pilote encore son retour Dakar-Paris en août 1949, c'est la dernière page de son carnet de vol qui totalise plus de 3.000 heures.
Cette fois VIGOUROUX devait remettre définitivement sa demande de Dégagement des Cadres pour être mis en congé en janvier 1950.
Après avoir dirigé une Société Marocaine de Matériel Industriel, il est attaché à la Direction des Ascenseurs Roux-Combaluzier. Ces nouvelles fonctions civiles n'ont pas empêché le Général, mis à la disposition du Maréchal JUIN, de participer aux manoeuvres de l'O.T.A.N. et même son ardeur mal éteinte de pilote n'a pu résister au désir de prendre un contact personnel avec les avions à réaction sur lesquels il a réussi maints décollages et atterrissages.
Cette belle histoire qui se termine bien, nous l'avons rappelé avec quelques détails parce qu'elle illustre vraiment les heureux effets de l'union du caractère et de l'intelligence et parce qu'à son origine se place un épisode qui mérite la réflexion de tous. Un Professeur chargé d'honneur sut un jour détourner ses yeux des vastes horizons de la Science et distinguer humainement un simple garçon dont il pressentait dès lors toutes les virtualités qui devaient s'épanouir un jour en une réalité d'abord insoupçonnable pour un esprit moins pénétrant.
(collection: Caroline VILAIN)