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HALIFAX GROUPES LOURDS FRANCAIS SQUADRONS 346 et 347 R.A.F
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10 juillet 2009

LA DERNIERE MISSION - WANGEROOGE

LA DERNIERE MISSION

WANGEROOGE

LE 25 AVRIL 1945

par le Colonel Célestin DERIEU

Pour nos HALIFAX, pour les équipages et tout le personnel des GROUPES LOURDS Français, la guerre va se terminer le 25 avril 1945. Tout semblait fini depuis Héligoland... Mais non, le feu vengeur devait tomber encore une fois. 482 quadrimoteurs furent mis en ligne pour détruire les puissantes batteries côtières de WANGEROOGE (dernière à l'est des îles de la Frise) qui défendaient les approches des ports de BREMEN et WILHELMSHAVEN.

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Photo prise par F/O E.FALLEN R.C.A.F. Squadron 77.

Mission facile, a priori... Qu'est-ce que quatre heures et quart de vol de jour à côté des heures de vol de nuit de CHEMNITZ?  GUYENNE avait fait plus que le maximum; dix-huit HALIFAX du groupe avaient pris l'air, avec douze du TUNISIE , chiffre jamais égalé auparavant; on voulait permettre à quelques jeunes arrivants de faire leur première mission; pour eux, ce fut la seule; ils arrivaient à la fin de la bataille.

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L'attaque se développe à partir de 17 heures, à moyenne altitude, entre 8 000 et 10 000 pieds; donc à bonne portée de la D.C.A. légère. Celle de WANGEROOGE est bientôt muette; mais celle de l'île voisine est active et précise; plusieurs bombardiers reçoivent des coups; plusieurs sont touchés; sept seront descendus. L'équipage BORNECQUE, le mien, aura été heureux jusqu'au bout; pas d'éclat, pas une égratignure...Mon tir est un peu long; mais personne ne manque l'île qui disparaît sous la fumée, arrosée de feu en tous sens: c'est l'essentiel. Après la guerre examinant le rapport du Commandant de l'île, on pourra lire: "La zone fut remplie de cratères mais les batteries purent tirer quelques heures après  le bombardement"!

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Une dernière ligne droite de trente secondes; puis le pilote effectue son virage à gauche et reprend la route de l'ouest. Un regard vers l'objectif, le temps de voir la dernière tragédie de la guerre, pour nous Français des GROUPES LOURDS; un HALIFAX tombe; je le vois, coupé en deux; l'empennage lesté de la tourelle arrière virevolte et descend plus lentement que la masse de l'avion; entre les deux, un parachute profile sa corolle dans le soleil.

Pouvais-je me douter que cet avion en perdition était celui du Capitaine HAUTECOEUR, Commandant, depuis deux mois, de la première escadrille du groupe "TUNISIE"

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Un équipage de renfort N°4, avec laquel nous avions bourlingué de WEST-KIRBY à LOSSIEMOUTH et à RUFFORTH. Le Capitaine JACQUOT, bombardier, et le Capitaine HAUTECOEUR, navigateur, étaient plus que des camarades.

HAUTECOEUR, excellent bridgeur à qui je dois les progrès que j'ai faits dans ce jeu, était un ancien élève de l'école Polytechnique, qui faisait la guerre en technicien, prêt à utiliser plus tard, pour l'armée de l'air française, les connaissances et la maîtrise qu'il était en train d'acquérir; il faisait aussi la guerre par conviction et par volonté car, déclaré pour raisons de santé inapte au pilotage des avions de chasse, il avait dû montrer de l'opiniâtreté, voire de l'acharnement pour arriver à ses fins: prendre place dans le bombardement.

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JACQUOT, un pilote de 1 500 heures de vol, avait été désigné par erreur comme bombardier; il avait d'abord rué dans les brancards, puis, acceptant son sort, s'était montré enthousiaste à l'entraînement. Jamais sa droiture et sa franchise. Les contradictions apparentes de cette guerre ne l'empêchaient pas de la faire avec méthode et conviction, avec sa conscience professionnelle d'aviateur français, désireux de libérée son pays.

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Photo prise par l'équipage du S/Lt de MIRAS.

(Equipage de mon père.)

La guerre finie, j'ai lu dans la revue "Aviation Française" du 20 mars 1946, un article de GERMAINE L'HERBIER, intitulé: "L'énigme des sables". En première page, la photo de la dérive du HALIFAX "E" du Capitaine HAUTECOEUR, portant la cocarde aux trois couleurs et le losange rouge sur fond noir du groupe "TUNISIE".

GERMAINE L'HERBIER, avec le dévouement qu'elle a consacré toutes sa vie, à rechercher les aviateurs français disparus, s'était rendue dans l'île de WANGEROOGE; et elle avait trouvé.

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Photo de l'équipage du S/Lt MATHURIN.

Photographies des batteries de WANGEROOGE dans les îles de la Frise. Cette mission, au cours de laquelle l'équipage du Capitaine HAUTECOEUR fut abattu par la Flak Allemande, fut la dernière exécutée par les Français. Les clichés nous ont été aimablement fournis par le secrétaire de notre Amicale, Jean BOGAERT, (DCD) qui faisait partie de l'expédition.

Son fils Paul BOGAERT et aujourd'hui le Président de notre Association des Anciens et Amis des GROUPES LOURDS.

 

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Elle a retrouvé la queue du HALIFAX "E" coupé en deux; elle a appris que l'appareil avait été touché de plein fouet par un obus et que tout l'avant s'était englouti, au loin, dans la mer.

 

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Prés de la plage, une tombe commune: "sept aviateurs anglais inconnus, 25 avril 1945" ; tout prés des débris du HALIFAX , une autre tombe: "Trois aviateurs anglais inconnus, 25 avril 1945".

GERMAINE L'HERBIER a fait ouvrir ces tombes et elle a pu identifier quatre Français de l'équipage du "E": le Capitaine HAUTECOEUR lui-même et les sergents BARITEAU, FERRERO, LEDUC.

Qu'étaient devenus les autres?... Les témoins avaient vu les avions touchés tomber en mer  et seulement trois parachutes s'ouvrir. L'un des parachutes fut fait prisonnier : c'était un Anglais. Les deux autres furent entraînés vers le large par un fort vent de Sud-Ouest.

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Madame GERMAINE L'HERBIER Service de Recherches des Disparus de l'Armée de l'Air.

Ces témoignages corroborent mes observations. Un seul parachute sorti du "E" ; en principe, le bombardier sautait le premier; ce parachute, c'était donc probablement le Capitaine JACQUOT, poussé vers le large, à jamais englouti dans les profondeurs... Une fin horrible ! Si l'on songe que la bouée de sauvetage a dû soutenir longtemps l'homme à la surface; une fin inexplicable, car on ne pouvait lire sur le visage de JACQUOT autre chose que l'amour de la vie et la joie de vivre...

Le pilote et le mécanicien, comme souvent pareil cas, sont demeurés prisonniers de la carlingue, devenue leur tombeau.

 

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Pour les quatre autres, enterrés sur le rivage, on en est réduits aux suppositions; le mitrailleur arrière est sans doute resté coincé dans sa tourelle, s'écrasant sur le sable de la plage avec la queue du HALIFAX . Pourquoi les corps du radio, du mitrailleur-supérieur et du navigateur sont-ils revenus sur la terre ferme? "Enigme des sables" ..., comme dit GERMAINE L'HERBIER . Peut-être ont-ils évacué l'avion in extremis; et la vague aurait alors rejeté leurs corps près de l'empennage et de la tourelle du "E"...

Sans chercher à connaître leur nationalité ni à les identifier, les "naturels" de l'île les avaient pris pour des Anglais et ensevelis comme tels.

Le mérite de GERMAINE L'HERBIER , activement aidée par NICOLE VINCENT, a été grand de leur redonner une identité et de leur assurer des obsèques dignes, en attendant que les corps soient rendus aux familles.

"Lors de notre triste retour, écrit-elle, je jetai à la mer, avec quelques fleurs, la tendre lettre que m'avait confiée la femme du Sous-Lieutenant MERCIER . Peut-être rejoindrait-elle le pilote bercé au flot..."

J'étais ému jusqu'aux larmes en lisant l'article de GERMAINE L'HERBIER, au souvenir de cette dernière mission de guerre des bombardiers HALIFAX français, à la pensée de ces sept compagnons d'armes sacrifiés si prés du but sur l'autel de la victoire.

COLONEL C. DELRIEU

(source: Extrait du livre du Colonel DELRIEU. "FEU DU CIEL, FEU VENGEUR")

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Commentaires
C
Bonjour à vous, dans mes recherches je découvre que mon oncle est décédé le 25/04/1945 sur cette ile. Il apparait pourtant dans les archives du service historique de la défense situé à Caen comme "mort en déportation" sur cette ile. Il y avait il des camps de prisonniers miliataires ou autre ? je ne trouve rien sur internet. Si quelqu'un a une information je suis preneuse !! merci à vous !!! Caroline
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F
Bonjour, je suis rentré en possession de la plaque de décès du sergent Ferrreo ainsi que de son insigne de casquette . Je cherche également une photo de l’équipage au complet ..
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R
Le capitaine Jacquot était le grand-père de ma première épouse et l'arrière-grand-père de mes filles
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A
Merci et bravo pour ce beau travail de documentation. L'histoire ci-dessus se raconte dans ma famille depuis toujours, mais j'ai appris ici certains détails qui n'étaient pas parvenu jusqu'a moi, donc merci. Le Capitaine Hautecoeur était le cousin germain de ma grand-mère. Étant tous deux enfants uniques ils avaient grandi presque comme frère et soeur. Ma grand-mère étant décédée récemment, j'ai eu la chance de 'hérité' de toute la correspondance de Pierre Hautecoeur avec ses parents. Depuis ses premiers camps scout jusqu’aux années de guerres. On y apprend pas forcément grand chose, les communications étant contrôlées et limitées, mais justement chaque mot est chargé de tout ce qu’on ne peut pas dire. La débacle de 40 et la fuite de l’armée de l’air en Afrique du Nord. Le désarroi des équipages dans l’attente d’une activité quelconque et la désorganisation générale. La coupure des communications après l’invasion de l’Afrique du Nord par les américains en Novembre 42 et jusqu’à bien après la Libération fin 44. Rendu en Angleterre le Capitaine Hautecoeur cherche désesperemment à pouvoir utiliser une de ses permissions pour rendre visite à ses parents à Paris – parents qu’il n’a pas vu depuis début 1940 - mais il est presque impossible de voyager. Finalement un télégramme arrive le 20 mars 1945 : ‘ARRIVE MARDI DEJEUNER = PIERRE HAUTECOEUR’. À la fin de sa permission il retourne à Elvington. Un mois plus tard il sera tué avec son équipage dans cette dernière mission. <br /> <br /> <br /> <br /> J’ai une photo du Capitaine Hautecoeur en uniforme, mais je n’ai pas de photo de l’équipage au complet non plus. Si cela existe j’aimerais bien l’avoir aussi
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C
Mon avion était le E et notre équipage je ne sais pourquoi était exempt de vol. Notre appreil a été prété au capitaine Hautecoeur qui a eu la machance d''être abattu. Cela aurait pu être nous mais Dieu ne l'a pas voulu. c'étaient nos destinées. Pauvres camarades pour notre dernière mission.
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